Claires et Obscures

Claires et Obscures 
Un corps, une source lumineuse, un regard. Regard posé par la lumière sur ce corps qu'elle dévoile ou dissimule. 

Ecrire, dessiner, peindre avec la lumière. Observer d'abord. Révéler le corps. Témoigner. N'en retenir que l'essence. Fixer l'image. Un seul regard, parmi tant d'autres. Que retenir ? Eclaircir, obscurcir. Le corps poursuivra son chemin. L'image reste, comme la trace d'un bref passage sous le double regard de la lumière et de l'observateur. 
 
Partager, avec d'autres regards, pluriels et pourtant singuliers, l'empreinte du corps. Dans ces zones claires et obscures réside une nouvelle vérité, celle de ce nouveau regard.


J'avais dans un premier temps réalisé les photographies "obscures" qui composent cette série, à l'occasion d'une simple séance de photos de nus. De par la source de lumière très faible et en contre jour, il en résultait un très discret filet de lumière parcourant ainsi le corps du modèle.

J'ai ainsi souhaité les accompagner d'un deuxième ensemble de photographies, où les modèles étaient cette fois-ci baignés du lumière, dans un décor entièrement blanc. Si les photographies "obscures" sont très délicates, presque abstraites, j'ai souhaité pour la partie "claires" présenter la femme dans sa volupté, le corps étant alors plus habité, présentant ainsi une multiplicité de regards, celui de la lumière sur le corps, celui du photographe, celui du modèle sur lui-même et enfin, celui du spectateur.

Cette série a été réalisée presque intégralement en photographie argentique.


Courbes épurées, du noir au blanc
Il n’était pas aisé de réinterpréter le thème du nu en photographie sans retomber dans les représentations éthérées, étranges ou mises en scène comme l’ont fait les maîtres du genre David Hamilton, Joel-Peter Witkin ou Spencer Tunik. Avec Claires et Obscures, Laurent Waechter a pourtant réussi à se réapproprier ce motif de manière originale et inattendue. Jamais le noir et blanc n’a aussi bien défini un travail photographique dont l’objectif est de réinterpréter la beauté par l’obscurité et la lumière les plus absolues.

A l’Atelier 26, à Strasbourg, Neudorf où il travaille en compagnie d’autres artistes, Laurent Waechter a réalisé les portraits de modèles féminins de la manière la plus artisanale. Ces clichés argentiques ont reçu tous les soins du photographe afin qu’aucune parcelle d’ombre et de lumière ne soit laissée au hasard. Il en résulte deux séries : les noires et les blanches. Dans la série des noires, des esquisses chatoyantes se laissent deviner sur une toile de fond obscure ; dans la série des blanches, des formes embrouillées et sibyllines viennent piquer la lumière où baigne toute la scène représentée. Le graphisme épuré de ces photos leur donne un aspect pictural proche des esquisses de Georges Seurat ou Matisse et pourtant la sensualité et la volupté des corps restent présentes. Des corps qui ne répondent à aucune norme de la beauté : frêles ou généreux, ils éveillent les sens du spectateur et donnent à voir des scènes fascinantes. Une grande grâce émane de cette série photographique parce que dans chaque canevas, les courbes sont suggérées ou effleurées.

Laurent Waechter n’en est pas à sa première expérience de la représentation des corps. En effet, il a déjà photographié des danseuses, les courbes en mouvement étant l’un de ses thèmes de prédilection et il a également réalisé une série sur le corps peint. Avec Claires et Obscures, son art est mieux maîtrisé, presque abouti. Et de l’aveu des femmes qui ont posé, l’expérience « en vaut la peine ». Elles ressortent de l’atelier avec le sentiment qu’on a su extirper d’elles leur véritable beauté et la poétiser. Le travail artistique du photographe agit parfois comme une thérapie sur ses modèles et constitue un don pour le spectateur quand il se laisse captiver par le caractère sublime et touchant de ces courbes aériennes.

                                                                                      Jeannette Gregori
 

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